« Mon Espace Santé » : ce qu’il faut savoir sur le nouveau dossier médical numérique

« Nouvelle révolution » du côté de la santé. Avec quelques semaines de retard liées à la cinquième vague de Covid-19, le gouvernement a ouvert la généralisation de « Mon espace santé », jeudi 3 février. « Les Français sont prêts » pour ce « nouveau cap dans le développement du numérique en santé », a déclaré Olivier Véran lors d’une conférence de presse, comparant ce lancement à celui de la carte Vitale en 1998. Le dispositif permettra à tout assuré de bénéficier d’un carnet de santé numérique, créé automatiquement. Franceinfo fait le point sur ce compte en ligne, grâce auquel il sera possible pour les assurés de « stocker et d’accéder à leurs données de santé en toute confiance et en toute sécurité ».

1-Comment activer son compte ?

Entre janvier et mars, les 65 millions d’assurés, adultes et enfants, vont recevoir un courrier ou un courriel de l’Assurance-maladie, du ministère des Solidarités et de la Santé ou de la Mutualité sociale agricole leur demandant d’activer ce dossier médical informatisé avec leur carte vitale et un code provisoire. Pour les mineurs, le code sera envoyé au parent auquel il est rattaché auprès de la caisse d’assurance-maladie. Ce code provisoire est valable six semaines. Une fois ce délai passé, il sera possible d’en générer un nouveau en remplissant un formulaire en ligne, afin de recevoir un e-mail contenant un lien vers une page d’identification.

Le site monespacesante.fr est accessible depuis un ordinateur, un smartphone ou une tablette. Une application doit être prochainement déployée. Les personnes qui ne peuvent avoir accès à internet pourront demander de l’aide à un guichet de proximité France services ou auprès de leur caisse primaire d’assurance-maladie.

2-Est-il possible de s’opposer à la création de son compte ?

Les comptes « Mon espace santé » sont créés automatiquement. Cette automatisation est d’ailleurs dénoncée comme un « passage en force » et une « négation du droit des patients sur le consentement libre et éclairé » par le Syndicat de la médecine générale (SMG), minoritaire dans la profession.

Le gouvernement laisse le choix de fermer son espace santé, dans un délai de six semaines, soit la durée de validité du code provisoire. Après ce délai, il faudra en demander la fermeture directement sur le site, auprès du support de « Mon espace santé » par téléphone au 3422, ou auprès de la caisse d’assurance-maladie de rattachement.

C’est aussi l’occasion de récupérer les données liées à son profil, en cliquant sur le bouton « Je demande le téléchargement de toutes les informations de ‘Mon espace santé' ». Tout assuré peut demander la suppression définitive de tout ou partie de ses données de santé. À défaut, elles sont conservées dix ans.

3-Quelles données ce compte contient-il ?

Tous les documents médicaux tels que les ordonnances, les résultats d’examens et d’analyses, les imageries médicales et les comptes-rendus d’hospitalisation, sont rassemblés dans cet « espace santé ». Le décret du 4 août 2021 prévoit une exception : les personnes mineures souhaitant garder confidentielles des informations concernant leur santé sexuelle (contraception, recours à l’IVG, dépistages d’infections sexuellement transmissibles) ont le droit de s’opposer à l’inscription de ces éléments dans leur dossier numérique.

Pour les assurés disposant déjà d’un Dossier médical partagé (DMP), celui-ci reste consultable et toutes ses données seront transférées vers « Mon espace santé ». Pour les autres, il faudra renseigner les informations de santé, car le profil sera quasiment vide à sa création. Ne figureront que l’historique des actes de santé remboursés et le parcours vaccinal.

La majorité des données de santé sera inscrite par les professionnels de santé consultés, mais un patient peut compléter son dossier. Antécédents familiaux, maladies, allergies, vaccinations que vous avez reçues, traitements en cours… Il est aussi possible de partager une synthèse de son profil avec des professionnels de santé.

A tout moment, un assuré peut bloquer ou débloquer l’accès à l’alimentation de son dossier médical par un professionnel de santé. En revanche, il est impossible de refuser à un professionnel autorisé, ou les personnes exerçant sous sa responsabilité, de déposer dans un dossier les informations utiles à la prévention, la continuité et la coordination des soins. Sauf « motif légitime ».

4-Qui aura accès à ces données de santé ?

Uniquement les professionnels de santé. Dès qu’un professionnel ou un établissement de santé accède aux documents de santé d’un assuré pour la première fois, ce dernier est automatiquement prévenu, précise la foire aux questions de « Mon espace santé ». L’historique des connexions, avec le nom du professionnel, le document consulté, la date et l’heure, est aussi disponible. Les droits d’accès aux informations « sont établis selon une matrice d’habilitations (PDF) définissant les données accessibles selon leur profession ou leur spécialité », détaille encore la foire aux questions. On y découvre, par exemple, qu’un opticien ne peut pas accéder à un compte rendu d’accouchement. En revanche, un dentiste ou un kinésithérapeute peut consulter les résultats d’analyses, prescriptions de soins et de traitements enregistrés dans le dossier.

Dans certains cas, le consentement du patient est présumé d’office. Ainsi, une équipe de soins (composée des professionnels de santé participant directement à la réalisation d’un soin en cours ou à la coordination de ceux-ci) a, par défaut, accès à ces données. De même, le médecin traitant désigné par un patient dans son dossier médical partagé a accès à l’ensemble des informations contenues. Ce qui a fait naître des craintes

En cas d’urgence, tout professionnel de santé amené à prendre en charge un patient, ainsi que le médecin régulateur du Samu, auront accès à ses informations. Il existe toutefois une rubrique « Accès en cas d’urgence » dans laquelle il est possible de s’y opposer.

Les professionnels de santé qui n’appartiennent pas à l’équipe de soin d’un patient doivent recueillir le consentement préalable de ce dernier, par oral ou par écrit, pour consulter son dossier numérique. Il est par ailleurs important de noter que l’accès au dossier médical ne peut en aucun cas être exigé lors de la signature d’un contrat d’assurance, de mutuelle ou de tout autre contrat exigeant l’évaluation de votre état de santé. Le Monde rappelle que toute consultation d’un espace santé non motivée par des raisons médicales peut entraîner des sanctions pénales.

5-Ce compte va-t-il encore évoluer ?

Le site « Mon espace santé » héberge une messagerie sécurisée, grâce à laquelle assurés et professionnels de santé peuvent échanger des informations. Il est aussi prévu, prochainement, l’intégration d’un agenda pour gérer les rendez-vous médicaux et recevoir des rappels pour des examens de contrôle comme des bilans, des dépistages ou une vaccination.

Ces services seront complétés par un catalogue d’applications dans le domaine de la santé et du bien-être, développées par des acteurs privés ou publics et référencées par l’Etat. Ces applications traiteront par exemple du suivi de maladies chroniques, de la téléconsultation ou de la prévention. Seul l’assuré pourra autoriser l’accès de ces services à son dossier.

6-Les données sont-elles sécurisées ?

L’ensemble des données stockées dans votre espace personnel ainsi que le site monespacesante.fr sont protégés et sécurisés par l’État, la CNIL et la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). Toutes les données sont hébergées en France par deux sous-traitants, Atos et Santeos. Cependant, il est conseillé d’accéder à son compte via un réseau sécurisé et d’éviter une connexion depuis un réseau public comme une gare ou un hôtel pour limiter les risques de piratage.

Ces dernières années, les données de santé ont gagné de la valeur aux yeux des cybercriminels. Nombre d’hôpitaux ont ainsi été ciblés par des attaques informatiques destinées à voler des données personnelles pour demander des rançons. Et la pandémie de Covid-19 n’a fait que multiplier les opportunités pour des hackers de s’en prendre aux données de santé.